Pas de passe liturgique dans l’Eglise Catholique

Ayant reçu avec la gravité qui s’impose le nouveau motu proprio Traditionis custodes de notre Pape François, je m’étais fixé comme ligne de conduite de n’en rien dire publiquement, sans me priver d’échanger avec quelques confrères amis sur cette importante question. J’estime en effet que son application relève exclusivement des évêques.

Ce qui m’oblige aujourd’hui à sortir partiellement du temps de silence que je m’étais fixé, c’est en tout premier lieu l’angoisse de fidèles et de prêtres que j’estime, très attachés à la messe de Saint Jean XXIII, qui croient que l’extinction de cette forme du rite romain est maintenant programmée, comme peut effectivement le laisser entendre la lettre du Pape aux évêques accompagnant le motu proprio. Cette peur se manifeste d’autant plus que règne une grande inquiétude concernant l’unité catholique, tant par les nouvelles qui nous viennent d’Allemagne que par le récent et indécent tapage des suffragettes de l’ordination presbytérale devenant de plus en plus affligeant ! Il est vrai que les bénitiers de nos Églises sont en ce moment vides pour cause de pandémie et que leurs pieds, qui selon un de leurs livres y trempaient, sont en manque, tout comme, semble-t-il, leurs aspirations ! Ce sera le sujet de mon prochain blog.

Réfléchissons d’abord sur le motu proprio. Il annonce des mesures restrictives, à l’évidence, vis-à-vis de la célébration en forme extraordinaire. Il vise la manière d’organiser ces messes et les conséquences qui en découleraient, selon certains rapports. La possibilité de célébrer et de participer à cette forme de messe n’est nullement remise en cause pour l’instant. Elle est plus strictement encadrée.

En effet, dans la lettre aux évêques expliquant le pourquoi de son motu proprio, le Pape François estime que, d’après une vaste enquête ordonnée par le Saint-Siège, le motu proprio Summorum Pontificum a donné lieu à des abus qu’il entend corriger. Le Saint-Père a dû tout naturellement prendre conseil de l’Institut liturgique Saint-Anselme de Rome où travaillent certes des personnes éminentes, mais pas spécialement connues pour leur compréhension des raisons qui poussent certains catholiques à tenir à l’ancienne messe. Car ces spécialistes ne veulent y voir qu’une remise en cause de Vatican II. Je ne sais pas quelles sont les positions des milieux italiens, je connais en revanche les milieux français où l’ancienne messe est pratiquée, puisque je la célèbre une fois par mois dans une paroisse parisienne qui pratique les deux formes du rite romain. Je n’y ai jamais ressenti d’esprit de dissidence, même si quelquefois une critique contre le Concile pouvait être émise. Mais j’ai aussi entendu de sévères critiques de Vatican II chez les partisans de la forme ordinaire, dont certains depuis plusieurs années n’hésitent pas à demander un Vatican III ! Aussi les liturges de Saint-Anselme ont-ils dû donner beaucoup d’importance à certaines réponses de l’enquête pontificale, pourtant minoritaires, qui insistaient sur les conséquences négatives de l’usage de la messe pré-conciliaire, car tous ceux qui ont eu accès aux résultats de cette enquête disent qu’elle manifestait, en majorité, la satisfaction des évêques vis-à-vis d’une situation pacifiée, grâce au motu proprio « Summorum Pontificum ».

Mais il semble que cela ne convienne pas aux éléments les plus intransigeants de l’Institut Saint Anselme, dont le professeur Andrea Grillo qui ne fait pas mystère de sa volonté de voir disparaître la messe de Saint Jean XXIII. Son opposition à l’ancienne liturgie n’est un secret pour personne , elle est liée à la compréhension moderniste de Vatican II qui a connu en France le succès que l’on sait, et qui semble aujourd’hui avoir l’oreille de certains évêques italiens. Ce théologien présente le Concile Vatican II, comme un changement radical par rapport à la Tradition catholique formulée par le Concile de Trente et poursuivie par Vatican I. La messe dite de Paul VI serait le pur produit du décret sur la liturgie du dernier Concile « Sacrosanctum consilium », ces deux documents (décret conciliaire et messe) manifestant une opposition absolue à tout ce qui se faisait avant. Ainsi Benoît XVI aurait commis la lourde erreur d’autoriser l’usage de deux rituels en 2007, parce que ceux-ci s’opposaient, l’un comme expression du Concile de Trente, l’autre comme celle de Vatican II. Que peut-on déduire d’un pareil raisonnement sinon que pour le professeur Andrea Grillo, le Concile Vatican II est un Concile de rupture ? Dans ces conditions, il n’est plus catholique et la messe qui en est issue ne saurait être pratiquée. Un pareil raisonnement est pour moi inacceptable !

De plus, je ne puis oublier la manière pénible avec laquelle on imposa la nouvelle messe en 1969, qui laissa un goût amer chez plus d’un catholique, y compris parmi ceux (et c’était la grande majorité) qui approuvaient Vatican Il. La messe ancienne garda de nombreux partisans et les a conservés. La caricaturer en la qualifiant de messe cléricale n’est pas digne d’un théologien et oser résumer, comme le fait le professeur Grillo dans les termes que je vais citer, les quatorze années d’expérience de Summorum Pontificum est contraire à la vérité « Le résultat a amplement démontré que le moyen de la double forme de l’unique rite romain n’est pas seulement une construction théologiquement abstraite sans fondement théorique solide, mais aussi un remède institutionnellement incontrôlable, ecclésialement quelque peu lacérant et spirituellement insidieux ». Quelle injure inacceptable, et imméritée pour le Pape émérite Benoît XVI !

Il n’est pas possible, dans la Tradition catholique, que le Saint-Père puisse contredire son prédécesseur sur le fond (qui touche la doctrine et la foi), et ce serait faire injure au Pape François de laisser entendre qu’il l’ignore ! C’est pourquoi je persiste à croire, comme je l’ai laissé entendre depuis le début de mon propos, qu’il faut recevoir aujourd’hui son document comme ne concernant que la forme (qui a entouré la mise en œuvre de Summorum Pontificum). À moins qu’on nous signifie rapidement que le professeur Andrea Grillo a remplacé Monseigneur Bugnini ! Et encore…. ! Mais tenons nous en au présent, à chaque jour suffit sa peine.

Et je reviens au dernier motu proprio et à la lettre aux évêques. Pour la célébration en forme ordinaire, le Pape invite à plus de sérieux et à la cessation d’abus déjà dénoncés par son prédécesseur. Dans sa lettre aux évêques, le Pape François écrit : « Comme Benoît XVI, je stigmatise moi aussi le fait que dans de nombreux endroits on ne célèbre pas de façon fidèle aux prescriptions du nouveau Missel, mais qu’il soit même compris comme une autorisation ou même une obligation à la créativité, qui conduit souvent à des déformations à la limite de ce qui est supportable ».

Pour la célébration en forme extraordinaire, le Pape veut sévir contre ce qui serait ressenti par certains comme une contestation de la validité de la messe de Paul VI et comme une remise en cause de Vatican II. Ces dispositions ne peuvent apparaître que comme temporaires, au même titre que celles du précédent motu proprio. Le Pape François lui-même le prouve en abrogeant certaines dispositions, preuve que son texte, comme celui de son prédécesseur a une portée limitée dans le temps, liée aux circonstances, et dans un certain nombre de domaines. Ce sont eux que je ressens d’abord comme d’ordre disciplinaire, faisant partie d’une situation qui évoluera forcément. Ceux qui croient que la promulgation de Summorum Pontificum était une excellente chose en 2007, ne doivent pas tomber dans le piège d’une polémique contre le texte du Saint Père qu’il serait plus que néfaste de déclencher . Selon les indications du nouveau motu proprio et en accord avec leur évêque, ils doivent veiller au maintien des messes en forme extraordinaire et à leur bonne fréquentation. Plus que jamais ils doivent dans toutes les circonstances possibles se rapprocher de leur évêque diocésain, par exemple en concélébrant avec lui lors de la messe chrismale . Et s’il a toute autorité pour l’organisation des messes selon la forme ancienne et nouvelle , je rappelle aussi qu’il dispose du canon 87  qui lui permet de suspendre les dispositions d’une loi émanant de l’autorité supérieure, pour le bien des âmes. Et j’indique enfin qu’il est plus que probable qu’il faudra attendre la réunion de novembre 2021 à Lourdes de la conférence épiscopale pour connaître la position de certains évêques sur cette délicate question. Il ne serait pas bon de brusquer qui que ce soit.

À l’heure actuelle, beaucoup d’informations concordent pour indiquer que la grande majorité des évêques de France ne veut pas rallumer une guerre liturgique et souhaite le statu quo. Certaines réactions le prouvent. Aujourd’hui, les évêques sont plutôt les protecteurs des traditionalistes (et c’est vrai pour les deux formes du rite) vis-à-vis de ce qui peut émaner de certains bureaux romains, situation qui peut surprendre certains, mais qu’il faut cependant prendre en compte. Et il ne faut pas oublier le long terme.

Car le grand enjeu concerne les séminaires des instituts Ecclesia Dei, la manière dont ils seront traités par les bureaux romains, et celle dont ils seront reçus désormais dans les diocèses. On ne doit donc rien compromettre ! Nous manquons de prêtres, et les séminaires de ces différents instituts forment de nombreux jeunes prêtres.

Il est donc urgent, comme dit l’Évangile à propos de celui qui veut construire une tour, de s’asseoir pour réfléchir dans le silence et la prière. Tout comme de ne rien faire ou dire qui accréditerait l’idée de rébellion larvée et de rêve d’Église parallèle, idée monstrueuse pour tous les catholiques attachés à la Tradition, qui respectent les formes liturgiques reconnues par l’Église, l’autorité du Pape, des évêques et des conciles. Le Pape donne ici, sous forme de motu proprio, une feuille de route qui oblige les uns et les autres à s’interroger sur leur manière de célébrer et de participer à la messe, et d’obéir aux prescriptions du Magistère. Et cela vaut pour tous ceux qui pratiquent tant la forme ordinaire que l’extraordinaire. Mais cette dernière est actuellement suspectée ! Cela ne devrait pas empêcher de faire valoir, par l’exemple, tranquillement et fermement le droit de vivre dans l’Église catholique au rythme de la messe en forme extraordinaire, dans le respect des limites fixées par l’autorité catholique légitime. Cette discipline, que chacun devrait s’imposer ne permet pas la critique du Concile Vatican II, d’autant plus qu’il a été parfaitement expliqué en 1992. Le Catéchisme de l’Église catholique de saint Jean Paul II a donné une interprétation définitive de ce Concile en engageant l’autorité pontificale. Si toutes les sensibilités catholiques s’y reconnaissent, comme elles le doivent, et si chaque partie prend au sérieux les inquiétudes du Pape François, on est en droit d’espérer, avec l’aide de Dieu, que la célébration des deux formes du seul rite romain continuera dans la paix fraternelle pour enrichir spirituellement l’Église et conforter son unité ! Un nouveau motu proprio pourra alors peut-être voir le jour ? Présentons cette espérance à la Bienheureuse Marie Toujours Vierge, le 15 août prochain en célébrant sa glorieuse Assomption !

4 commentaires

  1. Le pseudo-pape Bergoglio a bien sûr une idée en tête : précipiter les « tradis » en-dehors de l’Eglise Catholique afin de préparer plus tranquillement un autre chemin pour les autres, une messe « œcuménique », inclusive, c’est à dire protestante, où l’eucharistie ne sera plus le sacrement de la Présence Réelle. Une seule solution pour les « vrais catholiques » : rester fidèles à l’Eglise et résister à ceux qui cherchent à la démolir de l’intérieur !

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  2. Merci de votre trés belle intervention, Je me permets toutefois de vous confier mon impression Je tiens à préciser que je suis attaché, au rite ancien depuis plus de 40 ans et que j’ai renoncé à suivre Mgr Lefebvre depuis les sacres ce qui m’a valu une séparation de fait d’une communauté à laquelle j’étais attaché Depuis j’ai assisté à la messe suivant les deux rites en fonction des circonstances. J’ai reçu et étudié le catéchisme de l’église catholique et j’ai cherché à respecter l’autorité dans l’église en commençant par mes évêques. Avec le temps nous avons appris à nous connaitre et à nous apprécier. Depuis Jean Paul II et Benoit XVI je n’avais senti d’injustice ni de méchanceté de la part des autorités. Au contraire les rapports s’amélioraient jusqu’à devenir cordiaux. Avec ce motu proprio je le reçois comme une véritable injustice basée sur le mensonge et avec une bonne pincée de sévérité voire de méchanceté C’est bien la première fois que je dis cela d’un pape ! Je tenais à vous l’écrire sachant que ce n’est que mon avis qui n’engage que moi mais qu’il est partagé par de très nombreux fidèles du rite extraordinaire mais également de nombreux fidèles du rite ordinaire. Ceux-ci se demandant pourquoi on s’attaquait à des catholiques fidèles alors que de nombreux scandales sont laissés libres d’agir au sein de l’église (en Allemagne notamment)

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  3. Merci !
    Tout (ou presque) est dit, ou suggéré, notamment la qualité et les options (herméneutique de la rupture) de l’entourage du pape.

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